vendredi 29 mars 2013

Blessé de Guerre

K. 45 ans, blessé de guerre




S. 42 ans, blessé de guerre


S. ? ans, blessé de guerre



Ange, 14 ans blessée de guerre



Petit Prince, 8 ans blessé de guerre




E. 17 ans, blessé de guerre


Exaucé 6 ans et Eden 8 ans, blessés de guerre



Colère!


Il y a des jours, comme ça, où sans crier gare, un événement qui pourrait être anodin à un autre moment de votre vie ou pour quelqu’un d’autre, à sur vous l’effet d’une bombe et fait exploser votre cœur. 
C’est ce qui s’est passé ce jour-là, le jour ou mon attention a été attirée dans la tente d’hospitalisation des enfants par des bruits anormaux et ou j’ai trouvé ce petit garçon de 7 ans en train de regarder sur un téléphone portable les scènes de combats d’il y a un mois. Si certaines images ne devraient pas être vue par une infirmière suisse, je ne pense pas qu’elles le devraient d’avantage par un petit congolais de 7 ans.
Choc.
Incompréhension.
Puis, cette colère qui ne me quitte plus depuis une semaine.
Colère contre cette mère qui laisse son enfant regarder ça.
Colère contre la guerre.
Colère contre les hommes qui font la guerre.
Colère contre la durée de cette guerre qui fait que certaines générations n’ont connues que ça et ne savent vivre que comme ça.
Colère contre ce qui est devenu la norme et qui est insupportable.
Colère contre ceux qui de près mais surtout contre ceux qui loin alimentent cette guerre et en profitent.

La guerre est abstraite, loin, sur le terrain.
La guerre existe, je le SAIS.
La guerre a des conséquences, des victimes que je soigne chaque jour.
La guerre existe, je le VOIS.
La guerre éclate dans mon cœur, explose, me déchire, me torture, me confronte : je ne soigne pas que des victimes, mes patients sont en grande partie les auteurs de ces atrocités.
La guerre existe, je la VIS.

Il y a des jours, comme ça, où un événement qui pourrait être anodin vous brise, vous met à terre, vous jette dans une impasse pour vous confronter à vous-même, à vos limites, à votre humanité, à vos fragilités, à votre grandeur d’âme qui semble soudain bien petite.

Et puis il y a cette Paix.
Cette Paix qui descend sur vous légère comme la caresse d’une plume pour appaiser la colère.
Il y a cette Paix qui chuchote à mon oreille que tout cela ne peut pas être mon fardeau.
Cette Paix qui me tend la main et me demande de continuer de travailler pour elle.

Il y a des jours, comme ça, où on est plus tout à fait la même personne qu’avant. Plus humble, ébranlée. Mais grandie.

dimanche 3 mars 2013

Un lundi parfait


La journée a commencée bizarement avec un de ces rêves de fin de nuit de pleine lune. Un groupe armé attaquait ce qui ressemblait à un hôpital dans lequel je semblais travailler et je cherchais despérement la safe room en traînant un gamin avec moi (serait-ce le moment de prendre des vacances ?). Mais je retrouve vite le train train de la réalité avec un café, une tartine de nutella sur la terrasse ensoleillé et le bavardage des mes colloc’ (oui, je sais, c’est dur la vie).

7h50 : Départ à l’hôpital, à l’arrière de la Land Cruiser je suis secouée dans tous les sens, mais je repense à ma grand-mère ET à la méthode Pilates et je me tiens droite comme un i en faisant travailler ma musculature protonde (sisi, j’ai des muscles… tout là-bas en dessous). 



8h05 : Arrivée à l’hôpital, je colle une bise à Mama Lili qui arrive dans son beau pagne et salue les 6 patients qui prennent le soleil du matin devant le service. Tout près de la porte de mon bureau sur le banc, il y a Chimène (8 ans), en pleur, un vilain gamin lui a lancé une pierre sur la tête et elle a une grosse bosse. De grosses larmes ne cessent de couler sur ses joues sans qu’aucun bruit ne s’échappe de son visage triste, ça me fait mal au cœur, je lui fais un gros calin.
On se change en vitesse et le travaille commence. Je discute avec les infirmières pour organiser la matinée lorsque je sens une emprise sur ma cuisse gauche… ça y est, je ne suis pas arrivée depuis 15 minutes que Grâce m’a déjà repéré et mis le grappin dessus.

8h30 : Tour de  salle, on passe voir chaque patient pour faire le point sur la situation. 42 lits sur 60 sont occupés, les combats ont repris de part et d’autres, nous avons reçu 10 nouveaux patients la semaine passée. Le plus jeune à 10 ans, le plus âgé 35. Grâce est toujours suspendu à ma main par la sienne, par moment j’y suis tellement habituée que je ne le remarque même plus.

9h : Il est temps de commencer les pansements, je m’accroupi pour dire à Grâce qu’il doit me laisser, que je dois travailler. Comme d’habitude il ne dit rien (je connais à peine le son de sa voix) mais il passe ses petits bras autour de mon coup et pose sa tête sur ma poitrine… je fonds… et le refile à Papa Celestin qui est le radiologue et à son bureau juste en face du mien.


Je suis contente, je travaille avec Mwenge, une de mes infirmières préférées, je suis dans des chambres dont je ne me suis pas occupée depuis longtemps, les plaies ont évoluées de façon incroyables ! J’hallucine sur les résultats. Vive les pansements au sucre et chapeau bas au personnel qui a fait un travail excellent ! Je suis toute fière de mon équipe, ils se donnent énormément de peine pour appliquer les nouveaux protocoles que nous leur enseignons, et ça les motive aussi de voir les résultats.

10h : Il faut aller au bloc opératoire chercher le premier patient qui a fini la chirurgie, l’anesthésie n’est pas encore tout à fait dissipée… j’ai droit aux plus beaux sourirs et aux yeux doux d’un jeune coq.

10h30 : Je rencontre une ancienne patiente, Tingwa, 16 ans, elle vient en consultation. Malheureusement souffre d’une ostéomyélite chronique depuis plusieurs années, son tibia est tout dévormé et sa plaie ne veut toujours pas se fermer : beaucoup de patience… et de sucre.



11h : Certains pansements sont si douloureux qu’on les fait sous anesthésie. J’emmène Léonard au bloc, Mwenge fait son premier « pansement façon bloc opératoire » et s’en sort très bien, la plaie est en bonne évolution (est-ce que j’ai déjà dit que j’étais fière ?). En ramenat le patient dans sont lit j’ai encore droit à des « merci » et des « Dieu vous bénisse », ça me remplit.



Le temps file, je suis absorbée par une multitude de petites tâches à droite et à gauche : du rangement, de la paprasserie, discuter, négocier, rigoler, remettre à l’ordre… Soudain je suis interrompue par cette annonce : la maman de Fabrice est arrivée ! Je me précipite dans la chambre de Fabrice et le trouve en larme, tout sourir, une femme debout près de lui qui a les mêmes traits de visage et un bébé collé dans le dos. Fabrice est là depuis plus d’un mois, seul. Incapable de nous dire le nom de ses parents ou de son village car aphasique suite a un éclat de balle reçu au cerveau. Après 1 mois de recherche sa mère l’a enfin retrouvé. C’est la joie pour toute l’équipe et pour les autres patients qui se sont attaché à ce jeune patient.

13h : Je vais boire un verre d’eau. Lavie passe devant la salle de pause avec son petit sac à dos, il rentre à la maison, dans sa famille qui’il a retrouvé à Goma. Je lui sers la pince, il me dit « je pars ». Il a l’air heureux. Je le suis aussi.


14h30 : La voiture avec les repas arrive enfin, je repars directement avec elle j’ai une réunion au bureau. Et là (honte à moi) fini les pensées « tiens toi droite » de Mère-Grand ou de Pilates, ma seule préoccupation est de réussir à manger le contenu de mon Tupper sans en mettre partout (miam = salade de chou, ratatouille, poulet au curry et pommes de terre).

15h : Mon premier « réseau ». Je retrouve la protection de l’enfance et la responsable du programme d’appareillage orthopédique pour parler de la situtation de Tingwa que j’ai vu ce matin à l’hôpital. La réunification familiale doit être faite bientôt et il faut organiser les soins pour le retour à la maison.

16h30 : Je fais ce que je préfère : l’administratif ! Imprimer les horaires pour mars, faire des commandes de matériel et de médicaments, … bref je m’éclate…




17h30 : On prend la route pour rentrer, c’est moi qui conduit (si si), coucher de soleil sur la route du port. A bord 3 autres personnes dont mon D’Atragnan à moi (du calme les filles, il est marié) que je n’ai pas vu depuis 3 semaines, on en profite pour faire notre ½ heure gossip… mais comme notre petit univers est plutôt calme de ce coté-là en ce moment, on utilise notre imagination et c’est bien plus drôle.

18h : Je fais un tour au jardin. Le lac est magnifique. Une vraie invitation. PLOUF !
Elle est pas belle la vie ?