"Moi je cherche une autre route, ma route du bonheur, celle que je prendrai pieds nus, en pleins soleil, même si le goudron me brûle. J'arriverai loin, très loin, là où toutes les routes du monde se croisent, là où on retrouve les gens qui nous ont quittés et qui n'ont plus le même visage comme lorsqu'on les avait connus sur Terre. Cette route-là je dois bien la garder dans ma tête, je ne veux pas qu'elle n'existe plus quand je serai grand sinon je vais me perdre au milieu des gens méchants qui ne m'aiment pas et qui cherchent à me faire du mal.
Sur cette route je marcherai alors comme les crabes qui se baladent sur le sable de notre Côte sauvage : on croit qu'ils vont aller à gauche, ils font demi-tour, ils s'arrêtent sans savoir pourquoi, ils tournent en rond, et ils repartent en vitesse vers la droite avant de revenir à gauche. Mais ce que j'aime chez les crabes c'est qu'ils savent toujours où ils vont aller, et ils finissent par arriver tôt ou tard alors qu'ils ont plusieurs pattes qui ne sont jamais d'accord entre elles et qui n'arrêtent pas de se chamailler en cours de route. Quand je prendrai cette route du bonheur je saurai alors que j'ai enfin grandi…"
Extrait de "Demain j'aurai vingt an", d'Alain Mabanckou
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